Interview d'Olivier Ledroit (juin 2007)

Interview réalisée par Elegy en juin 2007 et reprise par le site Beautiful Darkness

Elegy : Vous vous êtes lâchés sur ce nouveau tome (le septième) de Requiem, le couvent des soeurs de sang, notamment sur le plan de l'humour...
OL : Y'a plus d'humour, oui ! Pat, le scénariste, me lâche de plus en plus et puis on a retrouvé le ton. Au début ,on ne savait pas forcément où on allait, là c'est plus évident.
Elegy : C'est toujours Jacques Collin à la traduction?
OL : Oui. Il est aussi un peu co-scénariste, car il y a des idées à lui dans ce nouveau tome.
Elegy : Le scénario est écrit à trois donc...
OL : Oui, c'est à peu prés ça. Et sur le dernier, j'ai fait le découpage moi-même. On s'était mis d'accord avant pour cela. Ca me permet de voir combien j'ai de pages pour chaque séquence. Parfois je reprends les textes tels quels, d'autres fois je transforme tout. Mais ça reste du Mills, il faut dire que ça fait tellement longtemps qu'on bosse ensemble...
Elegy : Ce nouveau Requiem fourmille de références en tout genre, notamment cinématographiques, Hellraiser par exemple avec les cénobites...
OL : Oui, c'est vrai. Il y a Excalibur aussi avec l'épée, Apocalypse Now...
Elegy : De plus en plus gothique aussi, non ?
OL : On s'éloigne en tout cas de plus en plus de l'heroic-fantasy ou du médiéval, pour aller plus vers des costumes du XVII, XVIII et XIXème siècle, des looks un peu dandy.
Elegy : Tu travailles vite. Le prochain tome sortira donc dans un an?
OL : Un peu plus. Je fais d'autres trucs et puis j'ai un peu ralenti la cadence. Les premiers, je les ai fait en six ou huit mois. Mais je ne vivais plus. Là, je vais mettre quelque chose comme quatorze mois, je pense. Je m'astreins à faire mes huit heures par jour et sur les trois derniers mois, je mets le paquet et je finis. C'est le dernier mois le plus dure, sept jours sur sept et douze heures par jour.
Elegy : Quand on voit les planches à la galerie Maghen, on se rend compte de ce qu'on perd malheureusement en format BD. Ce coté très chargé rend vraiment mieux en grand format....
OL : C'est vrai, mais j'aime bien dessiner comme ça. Là, je fait une autre BD pour Soleil, nettement plus sobre, mais au bout d'un moment je manque de peps pour travailler dessus. Je préfère ce style bien chargé comme ce que faisait Moebius à une époque et tout ça...
Elegy : N'as tu pas l'impression que le marché de la BD est un peu saturé avec des scénarii qui ne sont souvent pas à la hauteur du dessin ou inversement?
OL : Oui. Mais le plus décevant, c'est que les types n'ont souvent pas le temps de se rattraper. Bon nombre de séries sont amorcées et très vite arrêtées. J'en ai acheté bon nombre chez soleil notamment. Mais pas de suite... C'est vrai aussi que souvent, le scénario pèche. Il y a surtout des dessinateurs brillants qui disparaissent trop vite..
Elegy : La faute des éditeurs comme Soleil ?
OL : Soleil fait du linéaire, ils occupent de l'espace pour faire de la concurrence à Delcourt et aux Humanos et certains artistes deviennent un peu la chair à canon.
Elegy : C'est pour ça que tu as crée les éditions Nickel?
OL : Oui, on a eu un différend avec Soleil. Et puis on voulait indépendants. Mais c'est moins tranquille, car on est obligés de bosser deux fois plus. Quoique ça commence à se décanter, car les autres séries marchent pas mal. Claudia commence à s'en sortir ,on va pouvoir faire une autre série et construire un plus autour...
Elegy : Vous organisez un concours d'ailleurs sur ce personnage...
OL : Oui, il faut qu'elle soit belle, qu'elle lui ressemble, qu'elle ait envie de monter sur scène et de jouer. Ce sera pour le lancement de la marque de vêtements Requiem réalisée par le styliste Fred Durand pour la marque de chaussures New Rock. On fera une soirée aux caves St Sabin, on lance les fringues à la Loco suivi d'un concert de Das Ich. La collection ne sera pas complètement prête, on va commencer par des produits d'appel , du prêt-à-porter. Je suis très content de l'étiquette. Avec cette collection, on vise non seulement la France, mais aussi l'Allemagne et l'Angleterre, où les gens aiment bien se looker. Là- bas, dans les villes de taille moyenne telles que Cologne ou Colchester en Angleterre, on voit des filles ultra lookées accompagnées d' un gars avec une crête.
Elegy : Et les chaussures ? On reconnaît bien l'inspiration New Rock dans ta BD.
OL : Oui pour les chaussures, ça va se faire après ; j'ai déjà dessiné un tas de trucs. D'ailleurs ce que tu vois dans le dernier, c'est ce qui devrait sortir d'ici peu. La boutonnerie en tête de mort est déjà faite et servira pour les rivets de jeans également. Sinon, on fera des baudriers, des protèges-bras des blousons de motos. Il y a aussi une collection féminine inspirée du personnage de Claudia avec des bustiers, des serres taille. On cherche aussi à faire des coques pour les épaules et les chaussures. Pour celles-ci, ce sera en métal, mais pour les épaules, les genoux, on ne sait pas encore, en plastique ou en Kevlar...
Elegy : Quels sont tes autres projets ?
OL : Un hard book de trois cents pages pour Noël prochain regroupant un peu tout ce j'ai fait en BD et en illustration. Je bosse aussi pour Ubisoft sur le jeu vidéo Heroes of Might and Magic V. Le prochain sortira en 2008 et utilisera mon artwork. Mais mon boulot ne plaît pas aux américains, d'autant que le jeu marche partout sauf chez eux. On fait un gros carton en chine et dans les pays de L'Est, mais les américains ne croient pas en moi. Et il y a une quinzaine de personnes décisionnaires dans l'histoire. Il faut mettre d'accord le marketing, le packaging, les sous-traitants, les producteurs et les graphistes. Alors ils font des personnages en 3D à partir de mes dessins mais aussi d'autres artistes, et ils vont présenter ça à un panel de personnes représentatives, ils vont en tirer des statistiques et ils prendront leur décision ensuite.
Elegy : Qu'est ce qui te branche en ce moment ?
OL : Ce qui me brancherait, c'est des adaptations de romans, tel que Je suis une légende de Matheson. Quoique pour celui-ci, il y a déjà eu tellement de choses de zombies, que ça ne sert plus à rien de l'adapter. Mais j'aimais bien l'atmosphère et l'humour second degré du livre; Ubik, c'est pareil, ça a déjà été tellement pillé, que ça n'est plus adaptable. Il y a Philip K. Dick que j'aimerai adapter, mais impossible d'avoir les droits… Thomas Day, ce serait plus simple pour les droits et on pourrait bosser ensemble, car je le connais.