Le gang des moulineurs - Martini Shot -

NOTES DE CHARLES MARSHALL, EX INSPECTEUR DU LAPD.

Mon nom est Charles Marshall, ex inspecteur des homicides du LAPD. Les faits que je relate ici sont les conclusions d'une enquête qui me permirent de faire la lumière sur l'une des affaires criminelles les plus célèbres de l'histoire américaine. Aujourd'hui à la retraite et débarrassé de toute contrainte professionnelle, je peux enfin livrer mes conclusions jamais dévoilées concernant l'affaire du meurtre du Dahlia Noir.

Tout d'abord, remontons à cette nuit du 29 août 1992 où nos services furent appelés pour nous communiquer un crime. lorsque j'arrivai sur place, je fus impressionné par l'immense demeure exotique, tout droit sortie d'un décors de film hollywoodien. Aujourd'hui presque ruine, elle gardait cependant le cachet de sa splendeur passée. Sur le perron, l'infirmière qui nous avait appelés nous accueillit. Elle avait trouvé le corps alors qu'elle venait de prendre ses fonctions pour relever les perfusions de son patient qui s'éteignait d'une longue maladie. Nous découvrîmes le cadavre dans une salle de projection privée qui avait du faire les beaux jours de la bourgeoisie du tout Hollywood.
Le docteur G. Howel. était un vieillard de 85 ans passés. Une taille impressionnante, qui renforçait l'aspect squelettique de ce corps ravagé par la maladie. la dépouille était avachie dans une posture indécente, le pantalon de pyjama baissé en bas des jambes révélait un pénis flasque qui pendait entre les doigts momifiés du défunt. L'homme avait trouvé la mort sur son fauteuil roulant, devant un écran de projection qui éclairait la salle. Une image fixe, en noir et blanc, le visage d'une femme incroyablement belle semblait lui sourire.
Immédiatement, je reconnus ce visage tant il avait défrayé la chronique il y a plus de 40 ans.

Le docteur G. Howel. avait succombé d' une seule et unique blessure. mais quelle blessure!
On l'avait énucléé pour lui remplacer l'oeil droit par un objectif de caméra enfoncé au plus profond de son orbite. L'oeil en question fut retrouvé planté telle une olive dans un verre de martini près du cadavre.
En fouillant la filmothèque du défunt je découvris une collection de bobines édifiantes qui me firent monter la nausée. De même que les notes du Docteur G. Howel. qui me permettent aujourd'hui de retracer toute l'affaire.

Tout commence en 1947. Le docteur G. Howel., âgé de près de 40 ans, était un médecin très en vue des hautes sphères de la société hollywoodienne. Il comptait parmi ses patients des hommes politiques, des éminents membres de la mafia, des artistes issus du mouvement surréaliste mais surtout des personnalités du monde du cinéma. Ses réceptions mondaines étaient un lieu de passage obligé pour tout le gratin de la haute société de l'époque.
Homme cultivé, élégant et raffiné, grand amateur de femmes et de martini, il organisait des soirées privées très particulières, qui commençaient dans la frivolité avant de finir dans l'orgie et les vapeurs d'opium.
Face cachée du personnage, dans la cave de sa luxueuse demeure, il avait fait installer un bloc opératoire où il pratiquait des avortements clandestins, source substantielle de revenus, vu le standing de ses patientes. Or, durant ces interventions chirurgicales, Howel. abusait de ses patientes endormies, profitant de l'anesthésie pour filmer ses ébats grâce à une caméra cachée dans une trappe.

Une nuit de janvier 1947, du sordide, on bascula dans l'horreur. La jeune starlette du nom de Betty Short se réveilla alors qu'elle subissait les pires outrages du bon docteur qui avait promis de l'avorter pour une somme modique. Menaçant de le dénoncer à la police, elle entra violemment dans le panthéon des victimes du sinistre prédateur qui allait défrayer la chronique des affaires criminelles parmi les plus épouvantables que l'Amérique avait jamais connues.
On retrouva le corps de la jeune femme le 15 janvier 1947, affreusement mutilé dans un terrain vague au sud d'Hollywood.
Bien entendu, le prédateur avait filmé toute la scène. Tout le calvaire de la pauvre Betty Short était couché sur la pellicule jusque son dernier souffle. La bête se repassait le film en boucle, attisant sa soif immonde.

Betty Short fut la première mais certainement pas la dernière. Si j'en crois les écrits du docteur et les films retrouvés dans sa cinémathèque, au bas mot, 15 victimes peuvent lui être imputées.

Pendant des années, le monstre diabolique s'est joué des forces de police en faisant parvenir des lettres qu'il signait du pseudonyme de Martini Shot, dans lesquelles il revendiquait ses crimes. Cependant, les dernières bandes vidéo, enregistrées dans les années 80 semblaient montrer des exécutions où d'autres protagonistes masqués pour la plupart, participaient activement à des mises en scène de plus en plus empruntes de rituels sataniques et cabalistiques.
Et ces silhouettes grotesques dans l'ombre, qui regardaient la scène dans un silence quasi religieux. Des silhouettes qui n'avaient absolument rien d'humaines.

Dire que ma santé mentale a été mise à mal par ce que j'ai vu sur ces pellicules est un doux euphémisme. En tant qu'officier des homicides de Los Angeles, j'ai pris l'habitude de côtoyer le sordide. Mais jamais une affaire n'a autant bouleversé ma conscience. Les images me hantent jusqu'au plus profond de mon sommeil.
Il n'est pas une nuit où je ne m'éveille en sursaut, dégoulinant de sueur persécuté par ce terrible cauchemar.

Il n'est pas une nuit où je ne ressasse le calvaire des victimes du docteur Howel.

Il n'est pas une nuit où le squelettique docteur Howel. ne vient me persécuter ajoutant mon calvaire à sa filmothèque innommable, sous le regard éteint de ses spectateurs spectraux.

Aujourd'hui encore, j'ignore le nom de celui ou celle qui a mis fin à tout cela. Mais qu'importe. Il a rempli son rôle d'ange rédempteur. Et s'il existe un enfer après la mort, je souhaite de tout mon être y voir brûler le docteur G. Howel. pour l'éternité.