... et c'est ce que nous présente ce tome 1.
C'est l'amour d'une belle guerrière et d'un robuste guerrier. Coupés du monde, vivant une vie très simple, ils vont
donner naissance à des jumeaux. Peu de temps après survient un étranger, et du fruit de cette rencontre naîtra
deux autres jumeaux. Les dés sont lancés pour les quatre frères !
Au fil de l'histoire, nous les suivons donc tous les quatre, avec une attention toute particulière pour Arawn. On sait
déjà ce que le destin lui réserve, et ce n'est pas sur cela que joue le scénariste. L'intérêt vient plutôt des moyens
pour y parvenir, des souffrances qu'il devra endurer, des épreuves qu'il devra surmonter et des exploits qu'il devra
accomplir.
En quelques pages la trame est installée et la jeunesse des quatre frère vite envolée, pour laisser place à leur
première épreuve, qui une fois surmontée, fera d'eux des hommes. Chacun a son style, du plus bourrin au plus
subtil, mais tous sont jouissifs à admirer, d'autant plus que Sébastien Grenier (dessinateur), pour sa première
bande dessinée, met les bouchées doubles pour nous laisser sans voix.
D'ailleurs côté dessin, c'est aussi du tout bon. Il suffit de voir la couverture... Et contrairement à d'autres, qui
ne font cet effort que sur la couverture, Arawn garde ce style durant tout l'album. Son trait semi-réaliste, dans
le plus pur style de la fantasy, s'attache tout d'abord à détailler les personnages plus que les décors (même si
ceux-ci ne sont pas en reste), afin de mieux les faire ressortir. Les scènes de combat, par exemple, ne se vivent
donc que plus intensément, aidées par un découpage intelligent qui arrive à saisir les actions les plus fortes et
les plus poignantes, nous faisant vibrer à chaque case.
Sur la forme, Sébastien Grenier, après avoir dessiné les cinq premières pages d'un seul trait, a préféré s'orienter
comme Olivier Ledroit à ses débuts sur Requiem, en dessinant case par case, et cela se ressent nettement dans
la BD, sans toutefois choquer. On passe d'un style légèrement brouillon et manquant quelque peu de relief, à un
style plus propre et plus vivant.
Au final, Arawn c'est d'abord une belle épopée sanglante, avec des hommes au destin hors du commun. L'action
est omniprésente, et si quelques pages de répits bien méritées permettent de souffler un peu, c'est pour mieux
repartir de plus belle juste après.
Certains diront que cette mise en bouche est le départ classique de toutes les grandes histoires, mais encore
faut-il bien le gérer... Ici, la dimension épique et les combats magnifiques et violents sont mis en avant. C'est très
rythmé et très bien dessiné. Sébastien Grenier, pour sa première bande dessinée, nous montre ici son talent dans toute sa splendeur, et dirigé par Ronan Le Breton, Arawn acquiert une identité forte, comme on est en droit de l'attendre d'un futur classique de la dark fantasy.
On suivra l'histoire d'un homme qui, perdant peu à peu son humanité, deviendra le roi des Enfers. Nous connaissons
la fin, nous avons vu le début, reste plus qu'à savoir comment Arawn l'écrira...
Interview réalisée par Elsmador pour le site Resurrection the Evil's nest
Votre serviteur : Pourrais-tu te présenter en quelques mots et expliquer comment tu es arrivé dans le monde de la BD ?
Ronan Le Breton : Je me nomme Ronan Le Breton. D'origine bretonne, je suis venu à Paris, pour devenir auteur. Peu de temps
après, je fais la connaissance chez mon frère, d'un jeune auteur , dynamique et motivé, qui vient tout juste de signer sa première BD. Quelques années
plus tard, cette personne recontacte mon frère et lui propose un travail de scénariste, sur une nouvelle série, un nouveau concept, un collectif qui ferait
office de recueil de contes (comme ceux existant dans l'édition papier traditionnelle). Mon frère m'en parle ensuite et me propose de collaborer à
l'écriture des scénarios. Et c'est comme ça que j'ai débuté.
La série en question s'appelle Les Contes du Korrigan. Et l'auteur qui m'a fait entrer dans le métier est maintenant un vétéran : Jean-Luc Istin.
VS : T.1 d'Arawn a été très bien accueilli. Est-ce qu'au niveau des ventes, ça s'est passé aussi bien passé ? Et comparé aux Légendes de la table ronde ?
RLB : A priori, oui. Je n'ai pas les derniers chiffres, mais la première édition s'est bien écoulée. ça a mieux marché, plus vite
surtout, que les Légendes de la Table Ronde.
C'est une série, à suivre (et le public semble y avoir adhéré), illustrée par un auteur doué (Sébastien Grenier) dont on n'a pas fini d'entendre parler.
VS : Arawn est tiré de la mythologie celte. Peux-tu nous en dire un peu plus dessus et ce qui t'as attiré dedans ?
RLB : Arawn est le dieu gallois des enfers. Attention, pas Satan. Nous ne sommes pas dans une conception chrétienne mais
polythéiste, "païenne". Il n'y a pas le Bien et le Mal, qui se disputent le sort de l'humanité. Pas de paradis pour les Justes. Dans le monde celte,
l'homme est livré à lui-même. Il doit trouver sa voie, faire sa vie, seul. A lui de s'attirer la faveur des Dieux.
Arawn représente l'aspect chaotique, brut, primitif, bestial, instinctuel. En tout cas, c'est comme cela que je perçois cette divinité.
Il est le côté sombre, que l'homme doit apprendre à maîtriser. L'inconscient diraient les psychiatres.
Arawn est un personnage assez peu connu. C'est tant mieux, je me suis senti libre de
reprendre sa légende, à ma guise, sans risque de "choquer" les fans éventuels de ce dieu chtonien.
VS : Quand tu écris, quels sont tes sources d'inspiration ? Je pense à l'histoire, mais aussi à son rythme, à son découpage, etc.
RLB : Comme dit plus haut, je me suis permis de glisser des motifs et des éléments extérieurs (irlandais voire non celtes)
dans la légende. A partir du moment où cela ne dénature pas le côté héroïque, épique, mythologique. Dans notre série (à Sébastien et moi), on pourra
trouver des sources comme les fresques guerrières irlandaises (Cuchulainn, la bataille de Mag Tured), la mythologie grecque (Persée, Hercule), et
même un souffle tragique emprunté à Shakespeare.
Pour le rythme et le découpage, je fonctionne en séquences. L'idée est de faire avancer l'intrigue principale tout en se permettant quelques
digressions qui enrichissent l'histoire, éclairent certains aspects ou approfondissent certains personnages.
VS : En dehors d'Arawn, travailles-tu sur autre chose ? As-tu d'autres projets en tête ?
RLB : Je termine la série des Contes du Korrigan, le 10e et dernier tome. Le 9 étant sorti cet été.
J'ai bien entendu d'autres projets en tête. Pour l'instant, ce ne sont encore que des projets. Pas encore signés. Pas forcément de dessinateur.
Je ne peux donc pas encore dire grand chose. Si ce n'est ceci : ils se situent plus dans notre réalité, notre époque. Ils seront moins Heroic Fantasy
sans pour autant renier la dimension fantastique.
VS : Et enfin, en tant que fan site de la BD Requiem Chevalier Vampire, je me devais de te demander si tu connaissais cette BD.
Si oui, un petit mot dessus peut-être ?
RLB : Oui, bien sûr. J'ai suivi la carrière et les albums d'Olivier Ledroit. Requiem est une BD qui ne m'a donc pas échappé.
Requiem est une oeuvre d'une grande densité. On y retrouve toutes les influences, les envies, les passions d'Olivier Ledroit. Pas question d'oublier
Pat Mills non plus. Je suis également un nostalgique de leur précédente collaboration : SHA.